Abel avait eu raison : la commission n’avait pas été qu’une formalité. Faut dire que l’homme de 50 ans était encore bien conservé et n’était jamais malade. « Des poumons de cyclistes », avait dit le médecin.
Abel fut dirigé vers la caserne du 69éme Régiment d’Infanterie Territoriale. Ce n’était pas vraiment ce qu’il voulait mais on ne lui avait pas laissé beaucoup de choix.
Il passa 2 semaines à réapprendre la vie militaire et ses tâches ingrates mais nécessaires. Comme nettoyer son fusil, par exemple. Il ne connaissait pas ce modèle dit « Lebel » mais il semblait bien plus performant que le fusil qu’il utilisait lors de ses classes militaires, il y a 30 ans. En tout cas, il était plus précis et pouvait tirer 8 coups avant d’être rechargé ! Il retrouva la baïonnette, cette bonne vieille « Rosalie » comme l’appelait les soldats. « Piquer, tourner, piquer puis tourner », ne cessait de leurs répéter l’instructeur. Ça fait plus de dégât et ça permet de dégager l’arme !
Il réapprit à marcher au pas, à être passé en revue. De temps en temps, les soldats allaient filer un coup de main à la Manu (Manufacture d’armes de Châtellerault), où l’on avait toujours besoin de main d’œuvre.
Toujours est-il qu’on ne lui laissa pas beaucoup de temps libre. Il fallait être toujours occupé et en cadence. D’ailleurs, Abel avait oublié à quel point la musique était toujours présente dans la vie militaire. Les soldats marchaient au clairon et au tambour du lever jusqu’au coucher !
Un soir, Abel prit une lettre et écrivit à son épouse :
« Chère épouse, je suis bien arrivé à Châtellerault, tout va bien. J’ai fait une pause chez le cousin PAIN à Lavoux, il t’embrasse et dit que si tu as besoin, fais lui savoir. C’est qu’il a aussi 2 garçons au front le Xavier ! À la caserne, on fait de nous des soldats, on cause pas beaucoup entre nous, on dit juste qu’on est là pour servir la Patrie et on garde nos petits secrets. Le soir, on tape la belote et pis les rumeurs vont bon train sur ce qui se passe au front. J’écoute pas trop, je verrai bien par moi-même !
On nous a remis notre barda, avec ce beau pantalon rouge ! On sait pas quand on part, mais j’espère que ça devrait pas tarder.
Je t’embrasse, tu peux m’écrire à la caserne de Châtel’ pour me donner des nouvelles de la famille.
Tendrement, ton Abel. »
Abel s’impatientait, il avait certainement besoin d’une remise à niveau mais là, il commençait à trouver le temps long, lorsqu’à la mi-décembre, la nouvelle tomba. Les hommes devaient prendre le train pour aller à Paris, puis dans le Nord pour retrouver leur régiment. Abel espérait que son régiment serait cantonné en Belgique, un peu plus près de Denis, s’il n’avait pas changé de lieu entre temps…
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