Episode 2 : La colère

Par cette lettre commença la journée de la famille DUBOIS. Quand il avait vu le facteur arriver, Abel avait un mauvais pressentiment. Il espérait recevoir des nouvelles du front.
Abel ne s'était pas trompé. C'était bien une lettre au contenu bien sombre : deux de ses enfants, Jacques et Louis, avaient été tués à l'ennemi, à l'autre bout de la France, bien loin de la Vienne.
Abel serra cette enveloppe, la boule au ventre, retenant larmes et colère.
- Maudite guerre! Comment t'as pu me prendre deux de mes fils?  Salaud de boches !
Il garda tout cela pour lui, n'ayant pas le courage d'annoncer ce drame à sa femme.

Il pensa à la petite Marie, la femme de Jacques, qui attendait un gamin pour le mois de janvier et qu'ils avaient accueillie dans leur foyer le temps de la guerre. Il pensa à sa femme, Radegonde, qui pourrait crever de chagrin d'un coup. Il pensa aussi à ses filles, Fernande et Raymonde, à son puîné, François, âgé de 16 ans, qui rêvait d'aller rejoindre ses frangins pour sauver la patrie. Enfin, il pensa à Denis, son fils de 20 ans, qui lui était encore au front.

Discrètement, Abel écrasa une larme. Décidément, il ne pouvait pas l'annoncer tout de suite, il n'en avait pas le courage.
- Qu'est-ce qu'il voulait, le Fernand ? demanda Radegonde.
- Oh rien de particulier! Juste nous passer le bonjour, répondit Abel. Je m'en vais dans les champs, je reviens pour la soupe.
Abel enfila son paletot et au milieu de ses champs, il laissa éclater sa tristesse et son désespoir. "Chienne de vie!" se répétait-il au milieu de son champ !

Le soir venu, il rentra d'un pas décidé, attrapa son épouse par le bras sans lui laisser le temps de dire quoique ce soit, et l’entraîna dans la grange.
- Femme, il faut que je te cause !
- Qu'est-ce qui t'arrive donc, mon Abel ? répondit-elle.
Abel prit une grande respiration :
- Voilà, j'ai pas été ben franc avec toi ce matin. Assis-toi là et ne me coupe pas la parole. Nos deux gamins, Jacques et Louis, ils ont été tués par les Boches, tous les deux, le même jour, en Lorraine. J'savais pas comment t'le dire mais c'est la triste vérité !



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