En entrant en gare à Paris, de son wagon, Abel vit sur les bords du chemin de fer des affiches publicitaires du fameux bouillon « Kub », qui étaient arrachés, détruites et mises au sol et presqu’entièrement brûlées.
- Pourquoi qu’on a fait ça, demanda Abel ?
- Paraîtrait que c’est une société autrichienne qui fait ça, alors pas de ça chez nous, lui avait répondu un caporal.
V’la t’y pas qu’on fait la guerre à des pancartes, songea Abel !
Le voyage fut assez long et pénible, à chaque arrêt, montaient des soldats. Des wagons étaient détachés, d’autres rattachés à la locomotive, chargés de caisses, de chevaux et d’hommes. Le train avançait péniblement au milieu d’un trafic ferroviaire assez incroyable, surtout à l'approche de Paris. Une fois arrivé en gare parisienne, tout fourmillait autour de lui, un va et vient permanent de voyageurs, de chariots, de chevaux, de vapeur, le tout dans un capharnaüm monstrueux.
- Pas le temps de lambiner, soldats! Le Moulin Rouge, c'est pas pour aujourd’hui ! On remonte dans un autre train et on repart, beugla le sous-Lieutenant Pichon.
Les hommes montèrent dans un autre train et repartirent immédiatement.
Bon bah j’pourrai dire que j’ai été à Paris une fois dans ma vie, se dit Abel.
Dans un bruit effroyable, le train prit la route du Nord, roula quelques heures interminables et le 26 décembre, les hommes rejoignaient le 69éme Régiment d’Infanterie Territorial à Laigneville dans l’Oise.
Je suis encore loin de la Belgique pensa Abel, mais il faisait nuit, il était épuisé par ce voyage interminable.
Tous les soldats suivaient le sous-Lieutenant avec la seule envie de s’allonger et d’enlever leurs chaussures. Le sous-Lieutenant les laissa dans une grange :
- Soldats, vous passerez la nuit ici. On verra le reste demain matin, mais profitez bien de ce moment de sommeil !
Les hommes se laissèrent tomber sur la paille qui leur servira de lit de fortune,
laissant tomber leurs sacs à dos bien trop lourds et se déchaussant :
Et bah, c’est pas trop tôt, dit le soldat Memeteau.
Tous approuvèrent et sans plus de mots, ils s’endormirent….
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